« Le plan de sobriété, c’est une problématique de management »
Le Plan de sobriété énergétique est toujours d’actualité pour un deuxième hiver consécutif, comme un nouveau rendez-vous pour les entreprises et les collectivités. Plutôt qu’un obstacle à passer chaque année, Ayrald Berthod (Président de Sobre Energie) invite les décideurs à en faire un tremplin vers une sobriété durable.
Bonjour Ayrald. Pour commencer, qui est concerné par Le Plan de sobriété ? A partir de quelle taille d’entreprise ou de collectivité y a-t-il un enjeu à piloter sa consommation d’énergie ?
Depuis deux ans, ça concerne absolument tout le monde. On a encore entendu dire cet été que le tarif du KWh n’allait pas s’effondrer dans un avenir proche, donc personne n’échappe à la question du prix de l’énergie.
« L’énergie est devenue une ligne de dépenses « coeur de métier » pour toutes les typologies d’entreprises. »
L’année dernière, on avait beaucoup donné l’exemple des industriels pour qui la gestion de l’énergie est au cœur de leur schéma productif, mais dans les faits l’énergie est devenue une ligne de dépenses « cœur de métier » pour toutes les typologies d’entreprises et même pour les collectivités. La facture est trop élevée dans un immeuble de bureaux pour ne pas en faire un levier d’économies. Et l’effacement progressif du bouclier tarifaire entamé début août ne va rien arranger.
Une fois qu’on a abordé la question financière, il y aussi la problématique sociétale. Instaurer un plan de Plan de sobriété dans son organisation, c’est prendre sa responsabilité d’un point de vue environnemental. Et ça non plus, personne n’y coupe.
Le Plan de sobriété, ce sont des consignes et des gestes très concrets dictés par le gouvernement pour passer l’hiver. Mais à la fin de la saison, comment est-ce qu’on fait pour inscrire la sobriété dans la durée ?
Ce qui fait qu’on va s’inscrire dans la durée, c’est la mobilisation des femmes et des hommes. C’est bien d’enclencher la mobilisation pendant l’hiver parce que les pénuries d’énergie et les températures de consigne sont des sujets très parlant, mais il faut en profiter pour acculturer les parties prenantes. Il n’y a pas de recette miraculeuse, le plan de sobriété c’est une problématique de management.
« Un bâtiment qui n’est pas confortable, c’est souvent une GTB déréglée et donc une surconsommation. »
D’un côté, il faut sensibiliser les occupants et de l’autre former les personnes en charge de l’exploitation technique des bâtiments. Les métiers du « Facility Management » vont devoir évoluer rapidement pour intégrer ces enjeux de sobriété.
J’ajouterais un troisième aspect : le re-paramétrage de la GTB (Gestion Technique des Bâtiments). Un bâtiment qui n’est pas confortable, c’est souvent une GTB déréglée et donc une surconsommation.
Avec ces trois aspects, on un plan de sobriété avec un ROI rapide qui nous permet de gagner des KWh. On prend simplement le bâtiment dans l’état où il est, mais on le conduit de manière exemplaire.
Quel est le plus gros obstacle à la sobriété énergétique des entreprises et des collectivités ? Le manque de temps ? De moyens ? De compétences ?
On a un vrai problème d’engagement individuel. Le KWh tel qu’on le paie chez un particulier n’a rien à voir avec le KWh payé par les entreprises et il est de la responsabilité des dirigeants d’en faire un sujet central. C’est aux organisations d’embarquer leurs collaborateurs.
Idéalement, il faudrait intégrer la sobriété énergétique aux objectifs des managers. Par équipes, par bâtiments, par services… Ca se fait déjà dans certaines entreprises, ça devrait se généraliser. Ce sont des mécanismes qui ont déjà été utilisés pour accélérer la parité dans les équipes, pourquoi pas avec le sujet de la sobriété ?
La digitalisation a révolutionné beaucoup d’aspects de la vie des entreprises : on utilise des SaaS pour la comptabilité, la RH, le CRM… Sobre propose de faire la même chose pour la sobriété des bâtiments. Comment la digitalisation peut-elle aider à relever ce défi ?
L’information autour de la sobriété énergétique est assez rébarbative : regarder une courbe de charge, c’est le registre des techniciens et ça n’intéresse pas grand monde. Grâce à notre plateforme digitale, chez Sobre, nous transformons cette donnée technique en une information visuelle et intuitive.
« On part de la data pour raconter une histoire. »
On part de la data pour raconter une histoire. On cherche à intéresser les parties prenantes avec des indicateurs simples et des objectifs qui leur parlent.
La plateforme digitale, c’est aussi un outil de pilotage centralisé. On peut suivre les actions et contrôler les tâches, on trace l’évolution des consommations.
C’est également un espace centralisé pour générer l’engagement des collaborateurs. On peut y organiser des compétitions ou des activités ludiques liées à la sobriété énergétique
Le pilotage énergétique fera pleinement partie du quotidien des entreprises et des collectivités dans un futur proche ? Pourra-t-on se passer de Plan de sobriété national ?
Il faut être patient même s’il y a urgence, nous sommes sur un travail générationnel. La ceinture de sécurité nous semble aujourd’hui indispensable mais elle a mis du temps à devenir naturelle. Nous avons connu un gros coup d’accélérateur avec la crise énergétique, mais la sobriété est un travail de petits pas successifs et de persévérance.
Nous avons d’ailleurs des retours d’expérience très encourageants de nos clients. La Poste a réussi à déployer sa démarche de sobriété à l’échelle de ses 10 000 bâtiments en 2 ans avec une réduction de plus de 60 MWh à la clé.
L’avantage, c’est que la sobriété se joue bâtiment par bâtiment. Quelle que soit la taille d’une organisation, l’enjeu reste le même : il faut travailler sur chaque unité en local et tout le monde peut s’y attaquer. C’est un projet qui nourrit les valeurs de l’entreprise.