Dans le cadre du paquet « Fit for 55 » de l’Union Européenne (UE), la Commission européenne a engagé dès 2021 la révision d’une dizaine de directives pour accélérer la transition énergétique.
Objectif : atteindre -55% d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à horizon 2030, par rapport à 1990.
Ainsi la nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) vient d’être adoptée par le conseil de l’UE.
Quelles sont les mesures phares pour accélérer la décarbonation des bâtiments ? Sous quelle forme sera-t-elle transposée en droit français ? Que change-t-elle par rapport aux réglementations françaises déjà en vigueur comme le Décret Tertiaire et la loi APER ?
Décryptage.
Le bâtiment, un secteur prioritaire en Europe
L’ensemble du secteur, résidentiel et tertiaire, représente un enjeu très fort pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en Europe:
- 42% de la consommation d’énergie finale
- 1/3 des émissions de GES
- 24 Milliards de m2, construits à 85% avant l'an 2000
- 75% de ces bâtiments ont 1 "faible performance énergétique"
Face à ce constat, l’Union Européenne se fixe plusieurs objectifs à 2030:
Doubler le nombre de rénovations thermiques (d'abord les 16% les moins performants en résidentiel et tertiaire d’ici 2030, puis 22% en 2035)
Diminuer de 60% les émissions de GES dues aux bâtiments
Diminuer de 14% la consommation d'énergie finale du secteur
L’article 9 de la directive prévoit ainsi des normes minimales de performance énergétique des bâtiments tertiaires et une trajectoire de rénovation progressive du parc résidentiel. In fine, l’objectif est d’arriver à un niveau ZEB : Zero Emission Building. D’ici 2030 pour les bâtiments neufs, puis à horizon 2050 pour le parc existant. Ce qui implique une sortie des énergies fossiles comme les chaudières gaz d’ici 2040.
La France a 2 ans, jusqu’en 2026, pour retranscrire en droit français cette nouvelle directive performance énergétique des bâtiments. Sous quelle forme ?
Pour les bâtiments neufs, la France dispose déjà de la réglementation environnementale RE2020 qui prend en compte la performance énergétique et environnementale d’une construction neuve, qui doit désormais être BEPOS : bâtiment à énergie positive.
Vers un Décret Tertiaire durci ?
Sur le parc tertiaire existant, la directive prévoit que chaque bâtiment dispose d’un passeport rénovation, attestant son niveau de performance :
- Niveau de consommation actuelle en kWh/m2
- Feuille de route des travaux prévus avec des scénarios et estimations des réductions associées en kWh, CO2 et euros
- Possibilités de financement disponibles
- Classe de performance atteinte post-travaux
- Part d’autoconsommation d’énergies renouvelables (ENR) post-rénovation
- Possibilité de raccordement à un réseau de chaleur efficace
La forme que prendra ce passeport rénovation n’est pas encore connue, mais un rapport d’audit énergétique, comme le propose Sobre Energie, sera sans doute nécessaire pour l’établir car il contient :
- L’état des lieux des consommations/émissions actuelles
- Des scénarios pour prioriser les investissements en fonction de sa trajectoire de réduction fixée par le Décret Tertiaire
- La mise en avant des financements mobilisables pour les travaux (CEE, prêts verts, avance intracting…)
- Les étiquettes énergie et climat
Selon la directive, les 16% les moins performants du parc tertiaire devront être rénovés d’ici 2030. La législation française dispose déjà du Décret Tertiaire qui concerne les bâtiments de plus de 1000m2. Pour rénover les 16% les moins performants, il faudra peut-être abaisser ce seuil et fixer aussi à ces sites des objectifs pour réduire leurs consommations énergétiques et se décarboner.
Décarboner en accélérant les ENR
Même durcissement prévisible autour des énergies renouvelables :
la directive prévoit l’obligation d’installer d’ici 2027 du photovoltaïque en toiture sur les bâtiments tertiaires neufs de plus de 250m2 de surface de plancher.
Or actuellement en France, la récente loi APER de 2023, fixe le seuil à + de 500m2 d’emprise au sol.
Pour le parc tertiaire existant, le seuil devra aussi être abaissé, à horizon 2031 : à cette date, la nouvelle directive obligera les bâtiments de + 250m2 de surface de plancher à s’équiper de solaire en toiture.
La loi française prévoit actuellement une telle obligation mais dans des conditions plus souples : un seuil de + 500m2 « seulement » d’emprise au sol.